Métaphores

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L'OREILLER (extrait de "A la recherche de l'objet perdu"

 

 

 

 

L’OREILLER

Quand la lune éclaire les encriers, les poètes connaissent bien ces pannes d’oreiller qui font baisser la plume ; puis-je, en toute amitié, à vous qui me lisez au raz des murs, me permettre de vous faire quelques confidences sur l'oreiller ? 

À le voir, on pourrait le croire si coussin, si doux, si polochon dans sa blancheur de neige, mais si l’amidon pouvait parler de tous ces rêves qui s’emmagasinent au plus cru, au plus creux des oreillers, à l’orée même de l’inconscient, vous comprendriez que les oreillers ne sont pas toujours les doudous que l’on voudrait. Vous saisiriez combien, autant ils savent se faire tendre avec le commun des hommes, tant, ils leur arrivent de se faire durs, aux limites du sommeil, avec les poètes et les artistes. 

Mystère d’oreillers, plus rembourrés de rêves que de plumes, plus garnis de cauchemars et de chimères que d’anges et de délicatesses ; ils ruissellent souvent dès le matin, des encres de la nuit, laissant des traces de pas et de passages sur des taies pleines de tâches. Les nuits les plus insensées, les songes les plus fous y restent collés, même après plusieurs lavages ; les démons y font leurs nids semble-t-il avec nos idées fixes ; les rêveries s’y coulent comme dans une seconde peau. 

Il y a d’ailleurs comme un subtil lien de parenté entre la peau et la taie, l’une étant plus charnelle que l’autre, mais ne vous y trompez pas, l’enveloppe n’est pas le contenu ! Parole de taies, le contenant, le possédant, le tissu destiné à cacher, n’est pas le possédé ! Toutes nos méditations, idées noires, pensées roses, réflexions métaphysiques ou financières au cœur de nos nuits blanches sont toujours là !
Ils suintent carrément des tourments de la nuit

Dès que vous posez la tête sur l’oreiller, principe même de vases communicants, elles reprennent leur place. Tout, tout reste là comme les traces sales, indélébiles, de nos malédictions, de nos angoisses et de nos rêves. Tout comme le traversin sépare les rêves les plus doux du dormeur, les oreillers sont des médiateurs de la nuit la plus noire et des rêves au sommier des jours. Comme la taie de l’eau, recouvre l’abysse ; telle la neige qui se fait fourreau aux sommets, et les mots qui de même recouvrent le sens, les oreillers sont toujours en taie, habités par les fantômes du jour et de la nuit, surtout le soir, et ils cachent bien leur jeu ! 

 

(...) 



26/06/2010
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