L'ALTERITE
L'ALTERITE
LE REGARD
Vous êtes-vous demandé pourquoi l’espace médian s’épandait comme s’épanche l’amour, et pour quelle raison, de jour en jour, le temps l’accompagne, fidèle et attentif, comme deux corps composent l’un avec l’autre, au lieu dit et au moment inéluctable, pour se coucher l’un contre l’autre, respectueux des limites et de l’intimité de chaque partie qui le compose, dans un ensemble complexe où se mêlent la chair et l'esprit.
Si vous ne le saviez pas, je vous l’apprends ouvertement, mais avec délicatesse quand même, car l’ouverture à l’autre est essentielle, comme le ciel est l’essence même de notre rencontre ici même, en ce lieu eckhartien, où l’espace et le temps entre vous et moi restent des lieux sacrés, Qadosh, qu’il me faut honorer, en mettant entre nous un entre-deux qui célèbre votre temps et respecte votre distance, tout comme vous encensez mon temps par votre présence et vous retirez sur la pointe des pupilles pour ne pas blesser mon propre regard ; car la chasteté commence là où se termine la confusion des mots et des images, des oreilles indiscrètes et des regards voyeurs (...)
LE METRE ECKART
Que dire de l’espace eckhartien ? Sinon que c’est une bonne mesure de l’amour, à juste dose de tendresse et de distance vitale, c’est la toise de reconnaissance entre toi et moi, c’est le gué d’un passage amoureux de l’entre-mots et l’antre de tous les maux que nous aurons à vivre ensemble, l’un pour l’autre : époux épouse, analyste patient , auteur lecteur, entre collèges, voisin, ennemis ou amis, l’extériorité et l’intériorité…, car l’entre concerne aussi tous « les sujets » dignes de le devenir.
L’espace eckhartien, c’est cela l’altérité qui nous réalise pleinement, et pas la dualité qui nous sépare ou nous divise, mais le mètre ruban d’attention et d’intention particulière qui nous particularise, toi et moi fait verbe et chair pour la rencontre, le don et le partage.
C’est l’anneau de Moebius qui serpente entre l’imaginaire et le réel pour donner vie à ce qui état mort, à l’inverse du Serpent de la Genèse qui ondule dans le sens interdit, ne respectant pas le sens giratoire, voulant nous faire prendre des vessies pleines d’illusions pour un réel plein de virtualités.
Quant à elle, l’altérité tourne dans le sens du rosaire, comme nappée de bleu ciel, pareil aux doux aiguillons du temps qui virevoltent à la périphérie des grands chapelets d’écarts altruistes ; oblations par milliers, ouvertes aux intervalles comme de grandes nébuleuses tournoyantes, en une kyrielle de baisers donnés et reçus, et de grâces octroyées par l’expansion des espaces épris de liberté.
L’entre, garde le secret de l’altérité dans ces vides, il préserve la terre pour la faire croître et mûrir au soleil ; l’entre dispense de la transparence, il est le don de chacun, il est la demeure de tous, là où demeure un chemin royal, une voie sainte et saine, dans toutes les dimensions de la sollicitude, de la béatitude et de la plénitude de l’Être ; c’est pourquoi je me fais entre, sur « Le chemin de campagne » dont nous parle Martin Heidegger, et c’est aussi pourquoi je suis moi-même « Universel » comme Philippe Sollers se dit « Catholique » et que l’arbre se nomme résineux sous ma main de poète.
« Etretat c’est moi ! » dit-elle aux vents qui veulent bien l’entendre...
LES FALAISES
Pour assumer l’altérité entre l’océan et les roses de mon jardin, la falaise se dresse ; fière sur sa selle de sable ; « Etretat c’est moi ! » dit-elle aux vents qui veulent bien l’entendre ; Etretat c’est elle, digne d’échos, de digues et de longues laisses écumeuses ; souveraine, elle trace à la sueur de sa craie, de grands traits blancs comme sa signature, des liserés d’ivoire comme une raie dans les cheveux des rives, dentelles pour la côte, afin de garantir le retrait, que mes roses survivent.
S’il y a flux à ras bord, ce n’est pas dans la nature des eaux de fondre sur l’homme en des raz de marée, mais c’est la faute à l’homme de se déverser là
comme un gros rat de mares !
À propos de falaise, dans le creux de mes propres os, mon calcaire qui à lui-même l’âge du crétacé, dit l’histoire des silex porteurs de souvenirs en strates de mémoires, comme des disques durs ; torsades d’A.D.N., les galets roulent sur la plage, sans ricochet, rien que pour faire beau.
Etretat, dehors il bruine, c’est bien ma Normandie qui pleure ! L’huile s’étend sous le pinceau ou la palette de Courbet et de Monet, ça sent la térébenthine !
Comme érodée par les encres sous la plume de Flaubert ; entre les fils de la toile et les mots de Maupassant; j’ai vu ainsi, dans le chat de l'Aiguille Creuse, de grands horizons nouveaux pour une Terre nouvelle, une nouvelle Renaissance en ce siècle nouveau.
Alors, ce matin même, pour marquer le coup, j’ai remis les pendules à leurre dans leur boîte de Pandore, car il est dorénavant temps d’évider les évidences, de vivre dans la transparence, sans mensonge, ni manipulation, il est enfin temps de franchir l’échappé, de faire le grand écart en de grands espaces symboliques (…)
Quel est cet homme qui est en Dieu ?
Dans l’air et le feu, les vagues et les vents posent leurs éternelles questions de terre et d’eau, mais ni la sève, ni l’encre, ni le sang, ne savent la réponse !
Qui est ce Dieu qui est en l’homme, ce Dieu qui n’existe pas, mais qui est ? Quel est cet homme qui est en Dieu, cet homme qui existe bel et bien, mais qui n’est pas « en Corps » ?
Dit autrement, quel est ce « Bon Lieu » qui est en l’homme et qui est cet homme en chemin vers son bon Lieu ?
Entre nos bêtes questions et nos bêtes réponses, il y a toujours de l'altérité !
LE YAD
Le Yad ou le Pârôkèt, c’est cette portion d’espace qui nous sépare du réel, cette part entre Je et Tu, qui m’impose le respect, c’est la bonne distance qui fait de l’homme un vis-à-vis, un sujet à part entière, c’est l’espacement qui m’évite toute fusion ou confusion.
Yad dit l’entre, qui est l’antre d’une intériorité unique et souveraine, lieu de la dignité de chacun, un entre-deux qui appelle à la plus profonde considération et à une attention de tous les instants quand je suis face à l’autre.
Si le Pârôkèt ou le Yad s’interposent, arrête la main, le corps, comme la clôture d’un couvent, ou comme la digue arrête la mer pour bien délimiter la côte d’Adam, ils m’introduisent en même temps dans cette grande loi naturelle de la séparation, que l’hébreu Bâdal exprime bien à travers le chapitre premier (versets 8 à18) de la Genèse.
Le réel entre ce que je crois et « ce qui est » dans toute sa complexité, car seul l’être est essentiel ; ce que je perçois, pense ou fais est important, bien sûr, car tout cela participe à (de) ma réalité personnelle, mais cela reste de l’ordre de la représentation que je me fais du Monde.
Je ne puis accéder au réel que par le biais du symbolique - quand j’impose « ma vérité » ou « ma volonté », mon interprétation…, je n’ai jamais raison, je me trompe de chemin, je me trompe moi-même comme certain(e)s s’abusent en dupant leur conjoint ; c’est la sentence du réel, un arrêt nécessaire, une pose, entre ce que j’imagine et ce qui est vraiment inaccessible, c’est un sens comme interdit avec ses sens giratoires :
Si je rapproche le terme hébreu « Pârôkèt », du terme grec « Paraclet », c’est que l’un et autre, sont des lieux d’échange et de séparation, sans lesquels il n’y aurait pas de « Relations vraies », tout comme la parabole laisse vierge le réel, comme une simple métaphore, elle allusionne seulement, pour ne pas illusionner, tel un mirage qui ne serait jamais qu’un vulgaire cul-de-sac pour la conscience.
Le voile ne se déchire pas vraiment, il est double dans sa brisure, comme les deux morceaux d’un symbole ; cette rature permet la reconnaissance. Comme au chapitre 1 de la Genèse, diviser, c'est ici créer un passage, ouvrir une porte sur l’invisible, ce n’est point un mirage, mais « un passage » à la vraie vision qui relève davantage du miracle. Le voile est ici dévoilé comme un dévoilement de l’inconnaissance, que l’on retrouve en toute véritable « Théorie », c’est-à-dire en authentique « Contemplation », dans la transparence des sciences et des consciences, des mystiques et des philosophies humanistes. Le voile dévoile le nom du Lieu, du Bon Lieu, où le dialogue entrecelui où Je est un vis-à-vis de Tu.
Le Réel en sa qualité de Bon Lieu, sépare, ordonne ou plutôt ordonnance, dans le sens où il met de l’ordre dans le désordre permanent, afin que le Monde se réalise en lui. (…)
Le Pârôkè, c’est « La part OK », entre nous, dirait J. Lacan, pour le reste je m’en remets à vous, à votre propre interprétation, que vous puissiez m’enrichir de votre différence !
(...)
Extrait de « l’altérité » Essai (2011).
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